Par Jacques Landry, président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ)

Posez la question à n’importe quel acteur du réseau scolaire public : tout le monde vous dira à quel point nous vivons une année scolaire difficile. La pandémie n’a pas seulement engendré des retards d’apprentissage, elle a créé de grandes lacunes en matière de socialisation pour les enfants et exacerbé les inégalités sociales. Sur le terrain, le personnel professionnel du réseau scolaire (psychologues, orthophonistes, conseiller∙ères d’orientation, etc.) fait face à une augmentation sans précédent des situations complexes nécessitant une intervention rapide : anxiété et détresse psychologique, signalements à la Direction de la protection de la jeunesse, épisodes de violence, équipes de crise, etc.

Près d’un élève sur quatre a désormais un « plan d’intervention ». Devant l’augmentation des prévalences de certains troubles et difficultés dans les dernières années, le réseau scolaire peine à trouver des réponses. Plutôt que de médicaliser les difficultés scolaires et ne faire qu’une course aux diagnostics, il faut se doter de ressources suffisantes pour répondre aux besoins des élèves et favoriser l’inclusion scolaire. Mais comment y arriver?

Depuis 2018, le ministère de l’Éducation promet d’assouplir les processus administratifs pour améliorer l’accès aux services aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA). Pour atteindre cet objectif, le modèle de financement et l’organisation des services doivent être transformés. Malheureusement, rien ne bouge : le Ministère vient tout juste d’annoncer qu’il reporte encore une fois sa réforme.

En parallèle, le projet d’ajout de personnel de soutien en aide à la classe a le vent dans les voiles. Ce projet est fort intéressant, mais il ne permet pas de répondre aux besoins de plus en plus complexes et diversifiés des élèves HDAA. Ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier.

À la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ), nous proposons de repenser l’offre de services aux élèves à besoins particuliers : il faut prendre le virage prévention-intervention et implanter des équipes multidisciplinaires, en particulier au primaire. Il faut des seuils de services professionnels pour une organisation cohérente et équitable des services complémentaires.

Ces recommandations rejoignent d’ailleurs celles du Protecteur du citoyen dans le rapport d’enquête L’élève avant tout (2022), portant sur les services adaptés aux besoins des élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage.

Comme psychoéducateur ayant travaillé au primaire pendant des années, je sais à quel point le travail collaboratif fait toute la différence. Les différentes ressources professionnelles, dont les psychoéducateur∙rices, ergothérapeutes et orthopédagogues, doivent travailler ensemble : chacun possède sa lunette, son expertise et ses stratégies. Quand un ou une professionnelle a le temps d’observer un élève en classe, de discuter avec l’enseignant∙e, de réfléchir avec ses collègues et la direction, il devient possible d’assurer une bien meilleure prise en charge des besoins de l’enfant et d’agir en amont, avant qu’une difficulté devienne une situation explosive.

Améliorer l’accès aux ressources professionnelles scolaires ne faisait pourtant pas partie des sept priorités présentées par le ministre de l’Éducation. J’espère que l’exercice budgétaire 2023-2024 sera l’occasion de rectifier le tir et qu’on y trouvera des solutions concrètes et structurantes pour prendre soin de tous les élèves, y compris celles et ceux qui ont des besoins particuliers.