Par : Jacques Landry, président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec, FPPE(CSQ)

Bien avant la Covid-19, de plus en plus de jeunes présentaient des symptômes dépressifs et anxieux, et ce, dès le primaire. On constate aussi qu’un nombre important d’adolescents vit avec un niveau de détresse psychologique élevé et, cette année plus que jamais, nous devons mettre nos efforts en commun pour favoriser leur bien-être. Comme toutes les failles de notre société sont exacerbées dans le contexte de pandémie, il y a lieu de s’inquiéter de notre capacité à offrir aux jeunes toute l’aide dont ils auront besoin dans les prochains mois, voir les prochaines années. Les statistiques publiées récemment ne mentent pas et tous devraient s’en préoccuper : la santé mentale des élèves du Québec est importante pour leur futur, il est urgent d’agir dès maintenant.

Un manque de ressources criant

Le réseau scolaire public peut compter sur du personnel dévoué, des professionnelles et professionnels qui offrent des services directs aux élèves, dont plus de la moitié sont des intervenants psychosociaux. Malheureusement, ils n’ont que très peu de temps à dédier aux interventions préventives.

Depuis longtemps, la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ), qui représente la quasi-totalité de ces experts dans le réseau scolaire recommande l’ajout de ressources professionnelles. Il est primordial de prendre en compte les réalités particulières, mais très diversifiées de l’ensemble des jeunes Québécoises et Québécois. Que ce soit pour les élèves qui vivent de l’anxiété, ceux qui présentent des problématiques d’apprentissage ou qui sont tout simplement démotivés de retourner en classe après plusieurs mois d’arrêt, il faut prendre les moyens nécessaires pour assurer des seuils de services professionnels dans tous les milieux et pour tous les âges.

Actuellement, ce qui nous préoccupe est que chacun des centres de services scolaires et chacune des écoles fait des choix différents et n’offre pas les mêmes services. Rappelons, à titre d’exemple, qu’un psychologue travaille souvent dans 3, 4 ou 5 écoles différentes et le ratio varie de 500 à 5000 élèves par psychologue. Une telle disparité est non seulement une aberration, mais surtout une iniquité flagrante pour plusieurs élèves qui, malgré leurs besoins, ne bénéficient d’aucun accès garanti aux services.

Miser sur la relance économique : oui, mais avec nos jeunes!

En raison d’un modèle de règles budgétaires désuet qui est à revoir, les problèmes de santé mentale ont été trop longtemps relégués au deuxième plan : présentement, dépister et soutenir les élèves ne « génère pas d’argent ». Les services doivent trop souvent passer d’un élève et d’une évaluation à l’autre afin de s’assurer à générer du financement.

Pourtant, le décrochage scolaire a un important impact économique : une seule cohorte de décrocheurs engendre une perte économique totale de 1,9 milliard $. C’est à se demander : qu’est-ce que le gouvernement attend pour amorcer une relance économique valorisant le savoir et l’apprentissage, favorisant la santé mentale des citoyens de demain?

Il est grand temps de revoir toute l’organisation des services aux élèves vulnérables, aux prises avec des difficultés ou en situation de handicap. Les professionnelles et professionnels veulent faire partie de la solution. Ils ont développé une solide expertise et des modes de fonctionnement multidisciplinaires, ancrés dans la réalité scolaire et en collégialité avec les équipes-écoles, qui diffèrent du modèle médical. Des ressources en orientation scolaire et professionnelle, en orthopédagogie, en psychologie, en service social, en psychoéducation, en orthophonie ou en ergothérapie favorisent le bien-être physique et mental, aident à la gestion du changement et stimulent la capacité d’adaptation des élèves. Toutes ces compétences, les élèves pourront les mettre à profit toute leur vie.

L’école, c’est plus qu’un lieu d’instruction, c’est un milieu de vie positif et stimulant, où nous développons le savoir-être et où les enfants doivent pouvoir s’épanouir. C’est un filet social qui ne doit laisser tomber personne et qui doit favoriser la réussite de tous. Offrir aux élèves l’aide et le soutien dont ils ont besoin pour se développer, s’amuser, rêver, apprendre, socialiser, se réaliser… est assurément notre priorité à tous.