Une avancée significative pour le droit des femmes dans la nouvelle convention collective des professionnel·les :
L’obligation pour l’employeur de protéger les victimes de violence conjugale

Depuis quelques années et grâce à la mobilisation de différents acteurs de la société civile, il est de plus en plus reconnu que la violence conjugale est un problème social et non un enjeu privé qui doit être réglé au sein du couple. Cependant, il est observé que les milieux de travail ont été très peu impliqués et sensibilisés dans cette lutte1. Or, il s’avère que selon une étude réalisée par le Conference Board du Canada, 71 % des employeurs ont déjà vécu une situation où il était indispensable de protéger une victime de violence conjugale ou familiale2.

Selon une vaste étude canadienne réalisée en 20143 et ayant sondé 8400 personnes, 33,6 % des répondant·e·s ont déclaré avoir vécu de la violence conjugale au cours de leur vie. Parmi elles, plus de 53 % ont déclaré que la violence familiale se poursuivait au travail :

  • 40,6 % ont subi du harcèlement par téléphone ou message texte;
  • 20,5 % ont été suivi·e·s ou harcelé·e·s à proximité du lieu de travail;
  • 15,6 % ont été harcelé·e·s par courriel;
  • Pour 18,2 %, la personne violente s’est présentée sur le lieu du travail;
  • Pour 14,5 %, la personne violente a communiqué avec les collègues ou l’employeur pour parler de la victime.

Il était donc nécessaire à notre avis de réformer la Loi sur la santé et la sécurité du travail pour intégrer certaines obligations pour l’employeur sur la question de la violence conjugale. Cela a été réalisé par le législateur québécois en 2021.

Depuis l’entrée en vigueur, le 16 octobre 2021, du projet de loi 57, l’employeur a certaines obligations visant à protéger la travailleuse exposée à la violence conjugale. Ces mesures doivent être prises lorsque l’employeur sait, ou devrait raisonnablement savoir, que la personne est exposée à cette violence4 .

Malgré ces changements législatifs, il est constaté qu”il y a peu d’encadrements précis sur cette question dans les conventions collectives. Le renouvellement de la convention collective du personnel professionnel du secteur scolaire représentait donc une occasion de mettre à jour les textes suivant les changements législatifs mais également de prévoir certaines modalités concrètes pour les victimes de violence conjugale.

Après plusieurs semaines de discussion, nous avons obtenu deux gains sur cette question dans la convention collective.

D’abord, dans la section sur la santé et la sécurité au travail (5-11.04 P1 et 8-5.04 P2), nous avons ajouté explicitement l’obligation pour l’employeur de « prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection sur les lieux du travail de la personne professionnelle victime de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel». Cette obligation, conformément à la Loi, s’applique lorsque l’employeur sait, ou devrait raisonnablement savoir, que la personne est exposée à cette violence.

De plus, nous avons ajouté une possibilité d’absence sans perte de traitement dans une banque distincte pour les victimes de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel aux articles 7-4.01 (P1) et 7-3.02 (P2).

Nous estimons qu’il s’agit d’une avancée intéressante et nécessaire à la pleine reconnaissance des impacts majeurs qu’une situation de violence peut engendrer chez une victime. Toutefois, nous espérons que ces changements seront accompagnés de mesures signifiantes dans les milieux de travail. À titre d’exemple, nous souhaiterions voir l’adoption, en collaboration avec le syndicat, de politiques de prévention en matière de violence conjugale. Ces politiques pourraient prévoir des activités de sensibilisation en milieu de travail et la nomination d’une intervenante ressource chargée de recevoir les victimes.

Maude Lyonnais-Bourque,
Conseillère syndicale et avocate, FPPE(CSQ)

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1 Réforme de la loi santé et sécurité au travail : créer des milieux de travail sécuritaires et aidants pour les victimes de violence conjugale Mémoire présenté dans le cadre du dépôt du projet de loi 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail par le regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, Janvier 2021
2 Boyer, C. et Chénier, L. (2015), La violence familiale et le rôle de l’employeur, Conference Board du Canada,
3 Wathen, C.N., MacGregor, J.C.D. et MacQuarrie, B.J., Peut-on être en sécurité au travail quand on ne l’est pas à la maison?, Premières conclusions d’une enquête pancanadienne sur la violence conjugale et le milieu de travail, Université Western Ontario et Congrès du travail du Canada (CTC), Ontario, 6 déc. 2014, p.4
4 article 51 (16°) LSST

Significant progress for women’s rights has been made in the new collective agreement for professionals:

Employers must now protect victims of domestic violence

Over the past few years, as a result of the efforts of various stakeholders in the community, domestic violence has become increasingly recognized as a social problem, rather than a private issue to be resolved within the couple. However, there has been very little involvement and education in the workplace1. According to a study carried out by the Conference Board of Canada, 71% of employers have had to protect a victim of domestic or family violence2.

A major Canadian study conducted in 20143 surveying 8,400 people found that 33.6% of respondents said they had experienced domestic violence in their lifetime. Of these, more than 53% said that domestic violence continued at work:

  • 40.6% received abusive phone calls/text messages
  • 20.5% experienced stalking/harassment near workplace
  • 15.6% received abusive email messages
  • For 18.2%, the abuser physically came to the workplace.
  • For 14.5%, the abuser contacted co-workers/employer

In our opinion, it was therefore necessary to reform the Act respecting occupational health and safety to include certain obligations for employers on the issue of domestic violence, which was done by Quebec legislators in 2021.

Following the implementation of Bill 57 on October 16, 2021, employers have certain obligations to protect workers who are subjected to domestic violence. These measures are required when the employer is aware, or ought reasonably to be aware, that the person is exposed to such violence.

Despite these legislative changes, collective agreements rarely include specific provisions on this issue. The renewal of the collective agreement for professional staff in the school sector was therefore an opportunity to update the texts to reflect changes in the law, but also to provide for concrete terms and conditions for victims of domestic violence .

After several weeks of discussion, we achieved two gains on this issue in the collective agreement.

First, in the section on occupational health and safety (5–11.04 P1 and 8-5.04 P2), we explicitly added the employer’s obligation to take the necessary steps to ensure the protection in the workplace of professionals who are a victim of physical or psychological violence, including domestic, family or sexual violence. Under the Act, this obligation applies when the employer is aware or ought reasonably aware that the person is exposed to such violence.
Furthermore, we have added the possibility of absence without loss of pay in a specific bank for victims of domestic, family or sexual violence to sections 7-4.01 (P1) and 7-3.02 (P2).

We believe that this is a positive and necessary step toward full recognition of the major impact that violence has on a victim. However, we hope that these changes will be accompanied by more meaningful measures in the workplace. For example, we would like to see the adoption, in collaboration with the union, of domestic violence prevention policies that include awareness-raising activities in the workplace and the appointment of a resource worker to assist victims.

Maude Lyonnais-Bourque,
Attorney and Union Counsellor, FPPE(CSQ)

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1 Réforme de la loi santé et sécurité au travail : créer des milieux de travail sécuritaires et aidants pour les victimes de violence conjugale Brief presented as part of the filing of Bill 59, An Act to modernize the occupational health and safety system by consolidating women’s shelters for victims of domestic violence, January 2021
2 Boyer, C. and Chénier, L. (2015), La violence familiale et le rôle de l’employeur, Conference Board of Canada
3 Wathen, C.N., MacGregor, J.C.D. and MacQuarrie, B.J., Peut-on être en sécurité au travail quand on ne l’est pas à la maison?, Preliminary findings from a cross-Canada survey on domestic violence and the workplace, University of Western Ontario and Canadian Labour Congress (CLC), Ontario, Dec. 6, 2014, p. 4
4 Section 51 (16°) AROHS